Solidarité bien ordonnée...

Publié le par Journées Solidaires Coutances

Cette première semaine très rythmée a rencontré un public nombreux, participatif autour de sujets bien ciselés par des par des intervenants à la pointe dans leurs domaines respectifs , tirons-en les premiers enseignements.

 

 

Pour ouvrir "le bal", la projection en matinée de Slumdog Millionaire a fait salle comble, il n'a d'ailleurs pas été possible de répondre à toute les demandes. le film a été apprécié si l'on en juge par les quelques commentaires glanés à la sortie, on pourra regetter le fait qu'il n'y ait pas eu de débat à la fin.


Life and Debt a rencontré un succès plus mitigé : le public nombreux l'après midi s'est montré réceptif au sujet et participatif lors du débat, ce qui n'était pas gagné compte tenu de la complexité du sujet, mais davantage partagé quant à la forme du film,  documentaire, de surcroit  en VO.

Nous nous y attendions, mais l'intérêt du sujet a prévalu sur le caractère divertissant du support. Il faudra examiner de façon plus approfondie quels apports le débat qui a suivi a-t-il permis, quelle transformation des représentations a-t-il engendré , je tiens à souligner la précision et la clarté de l'explication faite pas Pascal Franchet du CADTM sur le caractère aliénant et souvent "odieux " de la Dette des pays pauvres.

Il semblerait que nous ayons dans cette question, et celles qui s'y rapportent - la dérégulation, les politiques d'ajustement structurelles, la dévaluation, la corruption... -  une  grande part de l'explication du maintien, voire de l'aggravation de la situation économique, sociale et politique que rencontrent les pays les plus exposés à cette taxation injuste. La dette est-elle une extrapolation du colonialisme , un instrument, un vernis pour justifier l'exploitation des richesses des pays pauvres? L'hypothèse méritait discussion.

 

Pierre Rabhi est-il un sage? le débat est ouvert, mais au delà de l'appréciation du propos  humaniste, de ses implications et applications concrètes , soulignons d'abord le grand succès qu'a connue cette conférence. Dommage que nous n'ayons pas eu salle plus vaste, car nous aurions probablement encore pu ouvrir ce débat à un plus large public : 450 personnes ont chaleureusement accueilli l'homme Pierre Rabhi, ont visiblement apprécié son parcours de vie , ses talents de conteur , son humilité dans sa façon de ne pas chercher à prouver mais davantage à éprouver les choses pour en tirer expérience pour lui, ses proches et l'humanité toute entière. Pierre Rabhi est un homme généreux, humble, il prône la sobriété heureuse, ce n'est pas un programme politique, c'est un acte d'amour, d'amour envers l'humanité, d'amour envers la nature, d'amour envers la Terre. Ce "fils du désert" , comme il aime à se définir, propose que nous nous réconcilions avec l'être de nature qui est en chacun de nous : une capacité,si on sait se montrer sensible et raisonnable, à produire du beau et du bien, à construire notre liberté en permettant à tous à en faire de même. Or l'esprit de compétition qui nous anime, le condionnement que nous subissons, la recherche du toujours plus dans "l'avoir" mettent selon P Rabhi gravement en péril cet équilibre fragile qui nous lie à la nature et à l'humanité, d'où les pillages que nous observons au Sud, pour le bien-être matériel du Nord, d'où le malaise de nombreux habitants de nos riches contrées, perpétuellement frustrés par cette frénésie consumériste, alors qu'à contrario , dès lors que les besoins fondamentaux sont réalisés, on observe chez nos concitoyens parmi les plus pauvres, mais aussi les plus détachés de cette course insensée, une joie dans la simplicité. Candide, Pierre Rabhi? Il ne réfute pas complètement ce qualificatif, il revendique "l'utopie" créatrice pour sortir de l'impasse dans laquelle nous nous sommes, selon lui, dirigés. il faut changer de "paradigme , de logique": s'opposer au système selon lui est contre productif, montrer que "l'on peut se passer de lui " est beaucoup plus efficient, dès lors que cette attitude est partagée par un nombre croissant d'individus. Est-ce la limite ou la force du discours? Pierre Rabhi ne cherche pas à imposer, ni vraiment à convaincre, il nous invite à expérimenter le changement : "réconcilions-nous avec nos voisins" , un potager, des arbres fruitiers, quelques poules et chèvres si l'espace le permet, recréeons des espaces de production et de vie autonomes, c'est selon lui la façon la plus simple d'être libre...et solidaire à la fois.


Après cela, il nous fallait respirer un peu, profiter de la lumière, des premières douceurs printanières, mais le rythme imposé par ces Journées ne nous l'ont pas permis. Il nous fallait à la fois poursuivre cette introspection , ce diagnostic sur le "comment vivre ensemble" , compte tenu de ce que nous avions appris précédemment. Pap N'Diaye y a sobrement et implacablerment contribué ce jeudi 18 mars au cours d'une conférence rondement menée par les membres au combien actifs des Sentiers de la Mémoire. La question de l'esclavage, de la discrimination à l'égard des populations noires américaines , des combats  qu'elles ont menées pour leurs droits civiques, la question de l'histoire et de la mémoire sont indisécables du traitement politique, économique, social et philosophique de celle du " vivre ensemble" dans le respect de nos identités, qu'elles soient ethniques ou culturelles.

La conscience de ce qui s'est passé réellement n'est pas un acte de repentance ou de compassion, c'est faire oeuvre de lucidité, et ouvrir un peu mieux les yeux sur les résurgences du passé qui ici et là pourraient se manifester de nouveau. Ainsi l'élection de Barack Obama, comme l'a souligné  Pap N'Diaye, traduit un formidable espoir de réconciliation entre les communautés, encore hautement improbable au yeux de la génération précédente :  Luther King, envisageait bien un jour cet probabilité mais pas de son vivant. Il est malheureusement décédé, assassiné comme on le sait en 1968, il aurait eu en 2008 , au moment de l'élection d'Obama, 79 ans.

L'éloquence de Pap N' diaye et une certaine neutralité dans le ton, aura parfois surpris l'auditoire; comment ne pas être choqué à l'idée qu'en 1920 aux USA on "s'envoyait des cartes postales" relatant les lynchages, les pendaisons organisés  par le KuKlus Klan; certes Pap N'Diaye, l'est probablement (choqué) , même si son intonation reste invariablement posée comme une onde qui se propage.

Mais est-il  plus efficace de dire calmement la vérité, que de manifester haut et fort un ressentiment, aussi légitime soit-il?

 

Un grand bravo pour finir à nos deux brillants dessinateurs( trices)  " Mandra et B" du collectif  "l'Oeuf"  qui ont su capter  et captiver, par la caricature, le prortrait, la bd..  la force des messages de Pierre Rabhi et de Pap N'Diaye. Leurs dessins et huiles feront l'objet d'une publication. Nous les retouverons à l'occasion de la journée du mardi  30 mars pour animer un atelier et croquer de nouveau d'autres images, les photographies de Jürgen Schadeberg.

 

A la semaine prochaine, venez-nombreux au forum, au concert, venez-visiter les expos , la solidarité commence ici et maintenant!

 

S.Lebreuilly

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